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11.02.2021

Les françaises enceintes ne veulent pas choisir un camp.

par Magali Dieux

Attention, choisir un camp est anxiogène : les premières lignes de cet article vont peut-être vous choquer. Au point de suspendre votre lecture. Quel dommage. C’est juste un aperçu du climat dans lequel évoluent les Françaises enceintes, depuis des années. Et ça continue…

Choisir un camp : le premier

Vous soutenez que les violences obstétricales existent, que des césariennes et des épisiotomies sont effectuées sans nécessité ? Que des femmes qui accouchent peuvent être traitées sans aucun respect ? Priées de se taire, de souffrir sans se plaindre et de laisser travailler les professionnels ?  Allons, avouez ! Ne seriez-vous pas une adversaire de l’hôpital et de ceux qui y travaillent ? Ne voulez-vous pas revenir à l’accouchement à domicile, dans la douleur et sans aucune sécurité ? Seriez-vous une ennemie de la Science et une anti féministe ?

Choisir un camp : le deuxième

Vous affirmez que les douleurs d’un accouchement peuvent être atroces et que la péridurale est un grand progrès ? Qu’un accouchement peut présenter des difficultés imprévues et qu’un environnement médicalisé est nécessaire ? Vous pensez que la plupart des professionnels intervenant autour de la naissance sont attentionnés ? Allons, avouez ! Vous voulez voler aux femmes leur accouchement, les empêcher de le vivre pleinement, les traiter comme des objets. Vous êtes une ennemie du naturel et une anti féministe.

L'illustration

Le véritable enjeu est-il vraiment une opposition stérile entre la Science et la Nature ?

Il ne s’agit nullement de rejeter les avancées de la science, au contraire. Mais souvenons-nous que plus nous utilisons la technique, plus nous devons être attentifs à l’humain. Replaçons les enjeux là où ils se trouvent : dans les relations entre les soignants et les femmes enceintes ; entre les sachants et les non-sachantes. C’est pourquoi nous avons eu l’idée de construire le diplôme « Accompagner, de la procréation à la naissance ». Initié par l’association Naître Enchantés, il a été créé par l’Université de Toulon. La Chaire de philosophie à l’hôpital est partenaire. Avec Conservatoire National des Arts et Métiers de Paris, il est aujourd’hui un Diplôme Inter Université

Sommes-nous vraiment condamné-es à choisir ?

La caricature

Les femmes enceintes veulent souvent instaurer, avec les soignants, une relation de confiance, fondée sur la coopération. Elles ne contestent nullement les savoirs techniques des soignants. Ces femmes ne cherchent pas non plus – en dehors de quelques rares extrémistes-  à souffrir ou à réaliser une quelconque performance. Elles veulent simplement être les actrices informées et conscientes d’un évènement qui les concerne très directement ; elles, leur conjoint  et l’enfant qu’elles mettent au monde : quoi de plus « naturel » ? Mais elles ne savent pas toujours le dire. Elles peuvent être impressionnées par le milieu médical (la technique, le vocabulaire, la manière dont on leur parle…). Elles peuvent être, tout simplement, stressées par les douleurs, la fatigue, l’angoisse….

Quand l’angoisse des femmes vient de ne pas se sentir « à la hauteur »

Une femme demande à un anesthésiste si la péridurale fait vraiment mal ? A votre avis, que lui répond l’anesthésiste ? Sans rentrer dans les détails, la réponse de l’anesthésiste va, la plupart du temps, être technique. Et la plupart du temps, vous allez voir le regard de la femme s’échapper. Ce n’est pas la réponse qu’elle attendait. Elle est déçue. Quelle réponse voulait-elle avoir ? Elle ne sait pas elle-même. Pourquoi ? Parce qu’en posant sa question, elle-même ne sait pas tout ce que cette question peut cacher. Elle a besoin du questionnement du médecin pour comprendre ce qui l’inquiète vraiment : l’aiguille ? L’analgésiant de synthèse ? L’échec de la péridurale pour sa sœur ? La peur d’être paralysée ? Etc…

Histoire de la cadre sage-femme

Par quelle magie cette cadre sage-femme arrive-t-elle à calmer cet homme ? Il y a encore quelques minutes, il mettait le service en ébullition en hurlant. La raison de sa colère ? Il n’y avait pas de plateau de petit-déjeuner pour lui. La « magie » d’un questionnement précis, dans une écoute attentive a aidé l’homme à comprendre. En fait, il était terrorisé à l’idée de ne pas savoir comment prendre sa place de compagnon et de père. C’est la différence entre une demande explicite et une demande implicite. Demande explicite : « je veux un plateau déjeuner ». Demande implicite : « Où est ma place de père ? ».

Témoignage de l’hospitalière Véronique Coni

« Depuis deux ans, nous, médecins, sages-femmes, parents, psychologues, artistes, chefs d’établissement, chercheurs-scientifiques et cadres administratifs échangeons pour contribuer à relever un des challenges du 21ème siècle dans nos maternités : conjuguer en toutes circonstances, sécurité et humanité lors de la mise au monde de l’être humain de demain. Nous pensons qu’il est de notre devoir de répondre aux attentes des femmes de se réapproprier la mise au monde de leur enfant et aux attentes des hommes d’y participer activement, et ce en milieu hospitalier, favorisant ainsi une parentalité responsable et sereine. Face aux contraintes budgétaires que subissent les hôpitaux et notamment les maternités, il convient de « redéfinir en profondeur les règles d’organisation ». Naître enchantés y répond en proposant un entrainement en amont du parcours de soin de la femme enceinte associé au père. Cet entrainement a pour conséquence le jour de l’accouchement, une présence moins soutenue des équipes médicales et de soins. » Véronique Coni, cadre administratif du Pôle Femme Enfant du CHIAP.

Les professionnels de la périnatalité doivent augmenter leurs compétences dans le domaine de la relation

Les parents sont, à leur façon, devenus eux aussi, des experts de la naissance. Les professionnels doivent donc être capable de reconnaitre une demande implicite et d’y répondre. Et, avoir la bonne écoute et la bonne réponse en très peu de temps nécessite un apprentissage et un entraînement. En effet, les soignants ne peuvent prétendre accompagner le comportement des parents sans travailler sur leur propre comportement. Comme le montrent les exemples ci-dessus. C’est un des objectifs de cette formation. Et c’est un réel objectif de santé. Pour les femmes enceintes, leurs conjoints, les fœtus et nouveaux nés.


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  • Ce Diplôme Inter Université a un titre : « Accompagner : de la procréation à la naissance ». Egalement important, son sous-titre : « Optimiser l’impact de la relation Professionnels/Parents au bénéfice de l’enfant à naître ».


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+ d’info : Plaquette université  /  04 94 14 22 50  /  ftlv@univ-tln.fr

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